“Les 40 vérités bonnes à dire sur le Bio !” par Slim Kabbaj, Ph.D. & Prof. Bennasseur Alaoui

Le Bio

Les 40 vérités bonnes à dire sur le Bio !

Quelle est la définition exacte du produit Bio,  comment le garantir, quels sont les indicateurs?

  1. Le terme Bio désigne une denrée ou un produit issus de l’agriculture biologique. Ce mode de production agricole est naturel et n’utilise aucun produit chimique de synthèse, comme les produits phytosanitaires de synthèse : herbicides chimiques pour éliminer les mauvaises herbes, les fongicides contre les champignons, les insecticides contre les insectes nuisibles et les ravageurs, ou les engrais chimiques et bien sûr ne contient pas d’OGM. Dans l’élevage, les hormones de croissance et les antibiotiques sont interdits et les animaux doivent être nourris par de l’alimentation biologique.
  2. Personne ne peut autoproclamer que ses produits sont Bio et mettre en avant uniquement la confiance ; seul un Organisme de Certification et de Contrôle (OCC) agrée par les pouvoirs publics peut attester qu’un produits est Bio, après avoir accompagné l’opérateur pendant des années, pendant que celui-ci respecte un cahier des charges, précis et détaillé. Cette certification de l’opérateur doit être renouvelée chaque année par le certificateur.
  3. Ce travail de l’OCC se traduit par un logo bien reconnaissable sur les produits et/ou une attestation de certification qui est remise à l’opérateur. Le logo Bio Maroc devrait apparaître bientôt sur les produits développés au Maroc pour le marché national.
  4. En 2016, 58 millions d’hectares de terres étaient certifiées Bio dans le monde, soit 1,2% de l’agriculture mondiale, avec une croissance de 15% / an : 27 millions d’ha en Australie (50%), 13,5 millions d’ha en Europe (23%), 7,1 millions d’ha en Amérique Latine (12%), 4,9 millions d’ha en Asie (6%), 1,8 millions d’ha en Afrique  (3%). Au Maroc nous avons 8500 ha Bio (moins de 0,1% de la surface agricole utile).
  5. En Inde, il y a 835 000 producteurs, Ouganda : 210 352, Mexique : 210 000. Au Maroc, au mieux 400 producteurs sont identifiés, orientés essentiellement vers l’export (350 millions de DH en 2017).
  6. L’agriculture Bio est en train de croitre de manière significative, à plus ou moins grande vitesse selon les régions et les pays : le chiffre d’affaire varie de 10 à 25 % en Europe et aux USA. En France, la croissance a été de 22 % en 2016, 15 % en 2017. Au Maroc, ces indicateurs ne sont pas encore connus.
  7. Avec l’adoption de la réglementation marocaine en avril 2018, les opérateurs du Bio s’attendent à des évolutions rapides, sur le marché national et à l’export.

Quelle est la définition du Conventionnel et comment évolue l’agriculture ?

  1. L’agriculture conventionnelle est la plus pratiquée à travers le monde (98,8 % en 2016) ; elle est apparue après les grandes guerres mondiales qui ont grandement amélioré la connaissance de la chimie. C’est une agriculture où les traitements phytosanitaires sont réalisés grâce à des produits chimiques, plus ou moins nocifs. Ceux-ci sont appliqués de manière préventive et curative et sont censés améliorer les rendements. L’agrochimie s’est beaucoup développée et devenue sophistiquée dans l’agriculture, l’élevage et aussi dans les produits transformés avec de nombreux additifs.
  2. Selon les méta-analyses compilées, les rendements en Bio sont de 8 à 25 % plus faibles qu’en conventionnel. Néanmoins, les chercheurs soulignent que ces chiffres doivent être utilisés avec précaution, les résultats dépendant énormément du sol, des cultures, de l’expertise de l’agriculteur et des pratiques agricoles, et aussi des disponibilités en eau et du climat.

Y a-t-il des pesticides et des produits chimiques dans les produits Bio ?

  1. L’agriculture biologique interdit l’utilisation des produits chimiques de synthèse et privilégie la lutte biologique contre les maladies et insectes nuisibles. Si le certificateur (OCC) trouve des produits chimiques dans une ferme, il remet en cause la certification. Si un distributeur trouve des résidus de pesticides dans un produit, il peut en refuser la distribution et peut arrêter de travailler avec le fournisseur.
  2. Dans le cas extrême où les cultures sont affectées par une maladie ou des ravageurs tenaces et qu’il y un risque de perdre la production, on peut faire appel à des traitements exceptionnels et temporaires, certaines substances actives peuvent ainsi être utilisées en agriculture biologique : cuivre, soufre, huiles, champignons et bactéries. Pour des cas de produits transformés particuliers et de manière exceptionnelle aussi, certains conservateurs peuvent être utilisés, après l’accord des autorités compétentes.

Pourquoi consommer Bio, des questions de santé et de respect de l’environnement?

  1. Les recherches menées par des organisations indépendantes montrent systématiquement que les aliments biologiques sont plus riches en nutriments que les aliments traditionnels. Ils sont plus riches en vitamine C, en antioxydants et en minéraux tels que le calcium, le fer, le chrome et le magnésium.
  2. Ils sont exempts de neurotoxines – toxines qui endommagent les cellules cérébrales et nerveuses. Une classe de pesticides communément appelée organophosphorés a été développée comme agent toxique lors de la première guerre mondiale. Après la guerre, l’industrie les a adaptés pour tuer les parasites sur les aliments. De nombreux pesticides sont toujours considérés comme des neurotoxines.
  3. Les produits issus de l’AB soutiennent le développement du cerveau et du corps des enfants. Le cerveau et le corps des enfants sont de plus en plus sensibles aux toxines, plus que chez les adultes. Le choix du Bio aide à nourrir leur corps, sans exposition aux pesticides et aux organismes génétiquement modifiés, qui ont tous deux un historique d’utilisation relativement court.
  4. Manger Bio peut réduire le risque de cancer. L’EPA (agence de l’environnement) des États-Unis considère que 60% des herbicides, 90% des fongicides et 30% des insecticides sont potentiellement cancérigènes. Il est raisonnable de penser que l’augmentation rapide des taux de cancer est au moins en partie liée à l’utilisation de ces pesticides cancérigènes.
  5. Choisir de la viande biologique réduit l’exposition aux antibiotiques, aux hormones synthétiques et aux médicaments qui se retrouvent dans les animaux des produits issus de l’agriculture conventionnelle.
  6. Les produits issus de l’AB sont de la vraie nourriture, pas des usines de pesticides. 18 % de toutes les semences génétiquement modifiées (et donc les aliments qui en proviennent) sont fabriquées pour produire leurs propres pesticides. La recherche montre que ces graines peuvent continuer à produire des pesticides dans le corps, une fois les produits dérivés consommés.
  7. Les fermes biologiques présentent généralement une plus grande biodiversité de plantes, d’insectes, d’animaux, de microbes, de diversité génétique en général, ainsi qu’une plus grande variété de paysages.
  8. Les pesticides polluent les puits et les cours d’eau qui sont parfois une source d’eau potable pour la population. L’agriculture biologique est la meilleure solution au problème. Acheter Bio aide à réduire la pollution de notre eau potable. Les aliments biologiques sont favorables à la terre. La production d’aliments biologiques existe en fait depuis des milliers d’années et constitue la solution durable pour l’avenir. Comparez cela aux pratiques agricoles modernes qui détruisent l’environnement par l’utilisation accrue d’herbicides, d’insecticides, de fongicides et d’engrais chimiques et qui ont causé des dommages environnementaux considérables dans de nombreuses parties du monde !
  9. Les fermes biologiques sont plus sûres pour les travailleurs agricoles. Des recherches menées à l’École de santé publique de Harvard ont révélé une augmentation de 70% de la maladie de Parkinson chez les personnes exposées aux pesticides. Choisir des aliments biologiques signifie que plus de gens seront en mesure de travailler dans des fermes sans encourir le plus grand risque potentiel pour la santé : la maladie de Parkinson, ou d’autres maladies auto-immunes.
  10. L’agriculture biologique diminue l’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides, notamment dans les pays en développement où les équipements de sécurité sont très chers et pas toujours utilisés en conventionnel, comme il se doit. Par ailleurs, elle permet des interactions sociales supérieures entre les fermiers et les consommateurs, un taux d’emploi supérieur et une meilleure coopération entre fermiers.
  11. Prendre en compte les externalités négatives de l’agriculture conventionnelle (par exemple, la pollution par les pesticides chimiques) et les externalités positives de l’agriculture Bio (par exemple, la hausse de la biodiversité) dans le prix des productions permettrait d’améliorer nettement la compétitivité du Bio. Les coûts de santé et d’environnement sont cachés dans le conventionnel et sont payés par la société sous forme d’impôts et de répercussions sur la vie et l’écologie de la planète.

Pourquoi les professionnels du Bio utilisent le plastique pour leur packaging ? Y a-t-il contamination du plastique vers le produit ?

23   Le plastique alimentaire est le plus communément utilisé pour le packaging des produits alimentaires, à travers le monde. Il n’affecte pas le produit alimentaire concerné, sauf si c’est du plastique de mauvaise qualité et serait donc non conforme (avec un risque de perturbateurs endocriniens). En matière de verre, les choix sont limités. Les consommateurs préfèrent souvent des fruits et des légumes en barquettes ou dans des filets, plutôt qu’en vrac. Il faudra cependant  tenir compte de l’impact environnemental du plastique à moyen terme.

24   Les magasins de produits en vrac ne sont pas encore réglementés au Maroc. Il y a très peu d’alternatives au plastique et quand elles existent, elles sont chères : papier, carton, tissu, algues, cire d’abeille. Le plastique végétal doit être importé et revient cher ; il affecterait le prix au consommateur. Le prix et la disponibilité des contenants sont donc des freins sérieux pour le moment. L’avenir devrait aller vers du contenant végétal ou à base d’algues, pour lesquels des programmes de recherche devraient être lancées dans notre pays aussi.

Pourquoi importer des produits Bio, alors que leur empreinte carbone est significative ?

25   Les points de vente, les magasins spécialisés et les grandes surfaces intéressés par la vente du Bio au Maroc ne trouvent que très peu de produits Bio développés localement, notamment les produits transformés. On trouve aujourd’hui essentiellement des produits frais et des produits du terroir dans le pays, qui ne permettent pas de proposer une offre conséquente dans un lieu de vente comme un supermarché qui doit proposer des milliers de produits. Au fur et à mesure que les produits seront disponibles sur le marché marocain, ils prendront place dans les magasins.

26   L’intérêt des produits importés des meilleures marques est de donner un modèle aux opérateurs marocains, en termes d’idées, de qualité, de packaging, d’étiquetage, de référence de prix et de modèles sur les marchés internationaux… Il faut noter que beaucoup de produits locaux sont paradoxalement plus chers que les produits importés : légumineuses, farines, huiles, riz…

Pourquoi le prix des produits est élevé ? Quelles marges prennent les distributeurs du Bio ?

27   L’agriculture biologique est plus sensible aux caprices de la nature et produit souvent des rendements plus faibles. Les légumes et les fruits poussent en plein champ ou dans des abris dépourvus de moyens de forçage (technique pour faire pousser les fruits et légumes hors saison). Elle exige plus de main d’œuvre et un savoir-faire plus précis et plus consistant. Il y a aussi le coût de la certification. Les coûts de production sont donc plus élevés. Les prix des produits Bio sont en fait plus proches du coût de revient réel pour l’agriculteur, sans aides et subventions de l’Etat pour le moment. La subvention prévue par le décret gouvernemental adoptée le 8 mars devrait influer sur les prix.

28   Dans les filières Bio, il y a moins d’intermédiaires entre producteur et point de vente. Le producteur prend la plus grande part du prix de vente. Un distributeur doit pouvoir équilibrer ses chiffres avec des marges de 15-30% pour être viable, après de gros investissements et des capacités de liquidités dans la durée. Malheureusement, beaucoup de distributeurs n’atteignent pas un retour sur investissement suffisant. L’effet d’échelle ne joue pas en faveur des produits Bio, la demande étant encore faible. L’autre contrainte est la date de péremption, plus courte que dans le conventionnel, qui entraine des pertes régulières et donc des coûts additionnels.

Y a-t-il des conditions pour être distributeur ?

29   Ce qui est important dans le Bio, c’est le produit qui doit être garantie sans produits chimiques. Les produits distribués sont susceptibles d’être contrôlés par l’ONSSA, mais aussi par l’organisme de certification. Il est d’ailleurs souvent en contact régulier avec les OCC. Les magasins spécialisés sont très à cheval sur le contrôle des produits qu’ils distribuent, parfois en faisant des analyses régulières en laboratoire pour les résidus de pesticides et les distributeurs sont amenés à faire des visites chez les fournisseurs. Il arrive régulièrement que des fournisseurs soient rejetés.

30   Le marché du Bio n’est pas le secteur médical ou pharmaceutique ; il n’est pas nécessaire que les gérants des magasins ou le personnel soient des professionnels de la santé. Néanmoins, la connaissance des produits, le conseil au client et des interactions sérieuses avec les fournisseurs sont des atouts essentiels.

Quels sont les contrôles qui sont faits sur les produits Bio au Maroc ? Depuis combien de temps ?

31   Les certifications et les contrôles des unités qui produisent du Bio ont été effectués jusqu’à présent par cinq organismes de certification (OCC) d’origine Européenne présents au Maroc. Les producteurs s’engagent à fournir les documents pour être irréprochable en termes de traçabilité. La certification se partage ainsi en 2 pôles principaux : (i) d’un côté, le respect des règles de production par les producteurs et transformateurs, qui concernent le traitement des produits, leur transformation etc. ; (ii) de l’autre, l’organisation des contrôles par l’OCC qui portent sur tous les maillons de la chaîne de production : les semences utilisées, la fertilisation des sols, les engrais, le conditionnement, etc.

32   Les premiers OCC opéraient au Maroc depuis le début des années 90. Depuis la mise en place de la réglementation en avril, le certificateur CCPB a été agrée, Ecocert devrait suivre sous peu.

La contrefaçon et la contrebande est-elle significative au Maroc ?

33   Le rôle des OCC et des associations qui représentent les acteurs du Bio est de crédibiliser les filières. Avec la progression de la consommation des produits Bio, le travail des OCC doit donner de l’importance à la lutte contre la non-conformité. À l’origine du Bio, les acteurs étaient des passionnés, aujourd’hui, avec un marché qui se développe, il y a un certain nombre d’opportunistes, qui cherchent à se faire de l’argent, au détriment même de la réputation du Bio. Rappelons que suite aux contrôles des produits, les certificats pourront être retirées chaque année.

34   La recherche et la constatation des infractions aux dispositions de la loi n° 39-12 sont effectuées par l’ONSSA conformément aux dispositions prévues par la loi n° 13-83 relative à la répression des fraudes sur les marchandises. Face aux fraudeurs et aux usurpateurs tant au niveau de la distribution qu’au niveau de la certification, la loi a prévu plusieurs amendes pour les dissuader et les sanctionner en cas de passage à l’acte.

35   L’amende peut aller jusqu’à 50.000 DH à l’encontre de tout opérateur qui sera tenté d’apposer un logo Bio sur un produit non certifié ou qui fait la publicité d’un produit conventionnel en le présentant comme étant Bio. L’amende peut atteindre 100.000 DH quand un organisme non agréé se permet de certifier des produits.

36   Les problèmes de contrebande ont donné lieu à des rencontres entre les professionnels et l’ONSSA et bientôt aussi avec l’Administration de la Douane. Des mesures de contrôle de plus en plus rigoureuses seront prises ; une convention sera signée entre la Fédération FIMABIO et l’ONSSA pendant le SIAM.

Pourquoi la réglementation Bio marocaine a tardé dans sa mise en place ?

37   La loi 39-12 sur le Bio a vu le jour en 2011 et a donné lieu aux textes d’application sur les divers secteurs concernés. Ce travail a été élaboré par la Commission Nationale du Bio qui réunit tous les représentants  des administrations concernés et des professionnels. Ce fut un large travail de concertation qui s’est fait en profondeur et dans la durée. On aurait pu aller plus vite ; mais beaucoup pensent que nous avons, grâce à ce travail de longue haleine, un arsenal juridique très complet.

38   Nous sommes le 2ème pays africain, après la Tunisie, à avoir une règlementation complète. Compte tenu du dynamisme des opérateurs dans le secteur et des potentialités du pays, sur la base aussi de tous les efforts du Plan Maroc Vert et des développements du secteur des produits du terroir, nous devrions voir des évolutions significatives à l’échelle nationale.

Quels ont les freins au développement du Bio maintenant ?

39   Maintenant que la réglementation est là, que la subvention de la certification des agriculteurs va se mettre en place, que le secteur est bien organisé, il faut encore mettre en place des soutiens innovants de l’Etat pour le développement du Bio. Il est nécessaire que les organisations associatives soient dynamiques et mettent en avant des stratégies de sensibilisation des consommateurs, une communication convaincante vers les opérateurs qui seraient tentés par la conversion. Un travail aux niveaux des différentes régions du Royaume est nécessaire à cet égard. Il faudrait aussi trouver des solutions aux semences biologiques et travailler également de manière proactive pour que la réglementation marocaine soit reconnue par l’UE puis par d’autres régions du monde, pour faciliter les échanges.

40   Il serait nécessaire que le partenariat public-privé qui a bien débuté avec le contrat-programme en 2012 se traduise par des projets-phare : agence Bio pour la promotion et le développement du Bio, institut de recherche en agriculture biologique, zone ou écosystème Biopark comme trait d’union entre l’Europe et l’Afrique-Moyen-Orient pour des unités de production, des fermes modèles, des centrales logistiques, qu’il y ait aussi la mobilisation d’un fonds d’investissements dédié.

Slim Kabbaj, Ph.D. & Prof. Bennasseur Alaoui

Auteurs du livre « Les Filières Bio, Enjeux et Promesses pour le Maroc et l’Afrique »

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